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La parole est à vous : Un espace de parole pour favoriser le « Chez soi ensemble »

Lundi 9 novembre 2020
Depuis juin 2017, la maison des Vikings, intégrée au dispositif Côté Cours (Le Havre, Seine-Maritime), accueille une dizaine de résidents en situation de handicap psychique. Entourés des maîtresses de maison, ils apprennent à vivre seuls et ensemble à la fois. Chaque semaine, les réunions de régulation leur offrent un espace de parole qui facilite cette cogestion en résidence partagée.

Faire le ménage, préparer les repas, jardiner, repeindre la pièce à vivre ou encore décorer le salon…. Chaque semaine, chaque locataire de la maison des Vikings au Havre est affecté à une tâche précise qui participe au bon fonctionnement de la résidence. Âgés de 29 à 62 ans, chacun possède sa propre chambre et partage les espaces communs. Cabossés par la vie, souvent venus de l’hôpital de jour, ils sont là pour devenir autonomes dans la communauté et retrouver la confiance en eux.
Trois auxiliaires sociales éducatives (ASE), également appelées maîtresses de maison, les encadrent à tour de rôle de 8 h à 19 h, du lundi au vendredi, laissant les résidents totalement seuls les week-ends. Hygiène, tâches quotidiennes, rendez-vous administratifs… Les ASE ont pour mission de stimuler ces personnes en difficultés, au niveau collectif mais aussi de façon individualisée.

Organiser le mieux vivre ensemble

Au cœur du dispositif, le « Chez soi d’abord » passe par un investissement de chacun à toutes les étapes de l’accompagnement. Les résidents payent leur loyer, partagent les frais liés aux courses et font les comptes avec les ASE. Chaque mercredi, de 9 h 30 à 11 h 30, une réunion de régulation rassemble locataires et professionnels pour organiser le mieux vivre ensemble. Il s’agit de parler de soi, du groupe, de ce qui fonctionne bien et de ce qui marche mal. De poser sur la table les rancœurs, les angoisses, les soucis, mais aussi les réussites, les espoirs et les projets. Vaste tour d’horizon de la vie ensemble au quotidien, ces réunions permettent aussi aux trois ASE de mieux comprendre les situations de chacun. Ce jour-là, il est question de la fête annuelle qui va réunir les résidents de toutes les maisons du dispositif Côté Cour (Note de la rédaction : la fête a finalement dû être annulée dans le contexte de l’épidémie de Covid-19, mais la décision a été prise après la réalisation du reportage). Thème, repas, participation financière… les détails sont discutés collectivement. Très libre, la réunion porte aussi sur deux vols qui ont eu lieu récemment dans les chambres. On s’indigne, on s’inquiète, on cherche ensemble le responsable…

Lorsque le projet a débuté il y a trois ans, les professionnelles étaient parfois obligées d’aller chercher les résidents dans leur chambre au moment de la réunion. Désormais, ils sont toujours à l’heure : ils ont compris qu’ils sont des citoyens à part entière.

De gauche a droite : Béatrice Delalande, auxiliaire sociale éducative (ASE) et Fanny Hauguel, résidente

 

Fanny Hauguel, résidente

« L’entraide est très forte »

« Pendant dix ans, j’ai vécu seule dans un appartement du dispositif Coté Cours où une auxiliaire de vie venait m’aider au moment des repas. Je m’absentais souvent pour être hospitalisée ou me reposer en famille d’accueil. C’est pourquoi on m’a proposé de venir vivre dans la maison des Vikings, en communauté, car ce mode de vie est plus approprié. C’est vrai : je veux rester ici le plus longtemps possible.

Dans la cuisine, un tableau avec nos prénoms indique les tâches qu’on doit accomplir. Par exemple, c’est moi qui suis allée chercher le pain mardi. Le mercredi, nous définissons ensemble les menus pour la semaine : ce n’est pas facile car il faut tenir compte des goûts de chacun. Globalement, on s’entend bien. Parfois, il y a des conflits, mais qui n’en a pas … Les réunions de régulation nous permettent justement de les désamorcer. Nous parlons des choses qui nous ont blessés, nous félicitons celui qui a changé son comportement, nous encourageons un autre à poursuivre ses efforts.  On peut aussi proposer des sorties : c’est ainsi que nous sommes allés à Honfleur, à Fécamp… C’est obligatoire et important d’y assister. »

 

Béatrice Delalande, auxiliaire sociale éducative (ASE)

« Nous ne les enfermons pas dans leur maladie »

« J’accompagne au quotidien les résidents souffrant de troubles psychiatriques, raconte Béatrice Delalande, auxiliaire sociale éducative à la maison des Vikings. Chaque jour, je les encourage à accomplir leurs tâches. ». Blonde à l’allure nordique, Béatrice a de l’énergie à revendre. Malvoyante, elle a toujours travaillé dans le champ du handicap et la psychiatrie est son domaine de prédilection. « Je devine comment vont les résidents à leur démarche, explique-t-elle. Mon handicap m’a permis de développer des sens qui m’aident beaucoup dans mon métier. »

À la maison des Vikings, elle s’emploie à extraire les résidents des rituels de l’hôpital afin de ne pas les enfermer dans leur maladie. « Maintenant, ils peuvent sortir seuls faire des courses ou déjeuner à l’extérieur, souligne-t-elle. C’était loin d’être le cas il y a trois ans,  mais ils ont pris confiance en eux : nous en sommes très fiers. »

Béatrice reconnait que c’est parfois épuisant de stimuler les résidents en permanence, notamment lors des réunions de régulation où il s’agit d’animer, mais aussi de créer de l’interaction, pour que chacun s’empare de la parole. « Comme dans toute famille, il y a des forts et des faibles. À nous de les reconnaître et de permettre à chacun de s’exprimer. » Pour prendre du recul, l’équipe du Samsah (Service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés psychiques) vient assister à la réunion une fois par mois. Ce regard extérieur permet de revenir sur des éléments qui auraient échappé à l’une des professionnelles. « Nous connaissons bien nos résidents : le risque est de ne plus creuser ». Mais pas d’inquiétude pour Béatrice : aider a toujours été sa vocation… Tout en sachant garder également une certaine distance. “Ils nous racontent des choses très fortes. Heureusement, nous bénéficions de formations pour nous aider à avoir la bonne posture. »

 

Découvrez les photo de la cogestion de la maison partagée :

 

 

Le projet « La parole est à vous »

Dans le cadre du projet « La parole est à vous », mené pendant tout l’année 2020, Vivre et devenir vous invite chaque mois à découvrir une initiative inspirante pour donner la parole aux personnes accompagnées par ses établissements. Texte : Géraldine Dao. Photos : Christian Dao.