Menu d'accessibilité

Accéder au plan du site Aller directement au contenu principal
100ans

Formulaire de recherche

Actualités

Elisabeth de Charnacé - Directrice Pôle autisme Paris

Questions à Elisabeth de Charnacé, directrice du Pôle autisme Paris : « Nous avons répondu oui à 100 % des familles qui ont demandé un retour de leur enfant »

Vendredi 15 mai 2020
Pour clore notre série d’entretiens sur comment les directeurs de Vivre et devenir préparent le déconfinement, nous publions aujourd’hui l’interview d’Elisabeth de Charnacé. Elle dirige le Pôle autisme Paris, qui propose des solutions d’accompagnement pour 125 enfants avec autisme, de la petite enfance au seuil de l’âge adulte.

1) Comment la période de confinement a été vécue au sein du Pôle autisme Paris ?

Elisabeth de Charnacé : Je suis fière de la manière dont nous avons traversé cette première étape du confinement et je veux très chaleureusement remercier l’ensemble de l’équipe qui, passé le choc des débuts, a su collectivement et personnellement s’adapter pour poursuivre et réinventer les accompagnements avec une très grande réactivité. Cette période a révélé d’incroyables talents de créativité, de générosité et de dépassement de soi.

Les établissements que je dirige ont fermé dès le début du confinement, car ils sont tous sous un régime d’externat ou de suivi à domicile.  Le télétravail s’est mis en place dans les 48 heures qui ont suivi l’annonce du gouvernement, avec un suivi hebdomadaire de toutes les familles par téléphone ou visioconférence.

Pour certains jeunes, il a fallu renfoncer ce suivi avec des interventions au domicile. Un accueil à titre exceptionnel au sein de notre institut médico-éducatif (IME) a pu être organisé en concertation avec l’agence régionale de santé (ARS) et la maison départementale des personnes handicapées(MDPH), qui ont été un formidable soutien. Une jeune fille a également pu être accueillie au sein de l’internat de l’IME de Soubiran, un autre établissement de l’association Vivre et devenir qui a fait preuve d’une extraordinaire solidarité pour l’accompagner dans les quelques jours qui ont suivi l’annonce du confinement. Nos professionnels sont allés sur place pour que l’intégration se passe bien.

Notre souhait a été d’accompagner les familles de la façon la plus globale possible. Certaines, qui étaient déjà en situation de précarité avant le début de la crise, ont été très durement touchées sur la plan financier. A l’initiative de l’équipe, nous avons organisé une cagnotte en ligne qui a permis de récolter plus de 5000 € pour leur venir en aide. Les professionnels du pôle ont mis leur casquette de coursier pour aller faire les achats et leur livrer sur le pas de leur porte !

2) Vous dirigez un IME et deux services d’éducation spéciale et des soins à domicile (SESSAD), dont un était en cours d’ouverture. Comment avez-vous réussi à garder le lien avec les équipes à distance pendant cette période ?

EdC : C’était ultrapassionnant, car cette période a permis de renforcer l’unité entre tous les établissements du  Pôle autisme Paris, on peut dire que le « Pôle » est né pendant cette période. J’animais une cellule de crise quotidienne avec les chefs de service, notre cadre administrative et notre médecin psychiatre. Tout était pensé inter-établissements pour avoir une grande cohérence d’esprit dans toutes nos décisions même si elles se sont déclinées différemment suivant chaque service.

Nous avons créé un groupe WhatsApp avec l’ensemble des salariés du pôle. Tous les jours, je faisais un point pour partager les actualités de la journée et aussi annoncer l’arrivée de nouveaux salariés, valoriser les très nombreuses initiatives positives qui étaient développées ici et là, et relayer les besoins de volontaires dans d’autres établissements de l’association.

Cela s’est révélé un formidable outil de cohésion et de reconnaissance du travail des équipes. Nous avons fait le pari de rester toujours dans une logique de volontariat, et les professionnels ont répondu présent. Nombreux sont allés aider les collègues d’autres établissements de Vivre et devenir et d’autres associations. Notre infirmière embauchée pendant le confinement a fait son 1er jour… dans un EHPAD voisin qui avait besoin de renfort ! Plusieurs éducateurs ont proposé de l’aide sur des missions bien éloignées de leur cœur de métier (soutien administratif, logistique, ménage des locaux). Sur un plan managérial, notre équipe de direction croit beaucoup à ce choix de la confiance et de la valorisation du positif.

3) Pouvez-vous nous parler de l’expérience d’ouvrir un établissement en pleine période de crise sanitaire ?

EdC : Au moment de l’annonce du confinement, nous étions en train de préparer l’ouverture du SESSAD de Servan, dans le 11e arrondissement de Paris. Nous avions déjà initié l’accompagnement sur les lieux de vie des enfants âgés de 3 à 12 ans depuis janvier, et attendions la finalisation des travaux des locaux du SESSAD pour pouvoir y accueillir les enfants de moins de 4 ans qui sont accompagnés une douzaine d’heures dans les locaux par semaine. Pendant le confinement, nous avons poursuivi cet accompagnement à domicile et avons initié les admissions et le suivi à distance de l’unité des tout-petits.

Nous avons eu la chance d’être très soutenus par l’agence régionale de santé d’Île-de-France qui nous a permis de poursuivre les admissions et les embauches pendant le confinement. Notre inspectrice a pu se déplacer dès cette semaine du 11 mai pour nous donner l’autorisation d’accueillir du public. Les salariés ayant été accueillis et formés à distance par nos psychologues pendant le confinement… nous sommes prêts à démarrer les accompagnements seulement une semaine après le déconfinement ! Et chaque semaine compte dans le développement d’un tout petit…

4) Comment vous préparez le retour des enfants à partir de cette semaine ?

EdC : Le principe qui nous a guidés a été la demande des familles. Nous avons répondu oui à 100 % des familles qui ont demandé un retour de leur enfant.  Nous avons soumis notre plan de déconfinement au conseil de vie sociale de nos établissements, afin de recueillir l’avis des parents et adapter nos modalités à leurs suggestions.

Environ 2/3 des enfants que nous accompagnons ont repris l’accueil au sein des locaux. Pour les autres qui restent encore à la maison, nous renforçons le suivi à distance et les interventions au domicile. Certains bénéficieront également d’un accueil mixte (c’est l’avenir !). En tout cas, la règle est que personne ne reste sans une solution proposée.

Pour les équipes, nous avons réalisé des documents pédagogiques et notre infirmière a mené une sensibilisation au port du masque et aux gestes barrières. Nous avons mis des kits d’hygiène dans chaque salle et tout le monde est impliqué dans le ménage. Les salariés ont aussi reçu une dotation pour s’acheter des tenues de travail.

5) Est-ce que cette crise a fait évoluer les relations avec les familles ?

EdC : Cette période a resserré les liens avec les parents. Les familles ont vu que nous ne les avons pas laissé tomber. Notre philosophie est de prendre soin de la famille dans sa globalité. Cela est indispensable pour bien travailler ensemble.

Avec le suivi au domicile, la manière de construire l’accompagnement s’inverse. Nous partions du besoin de chaque famille et ensuite nous construisions l’offre dont elle avait besoin dans la mesure de nos moyens. Cet esprit de « sur-mesure » doit continuer à guider notre pratique, même après la crise.

6) Justement, quels enseignements vous tirez de cette crise ?

Les enseignements sont nombreux et dans différents domaines. En termes de management, la crise a fait naître de nouvelles manières de valoriser et de faire équipe. Elle nous a offert des espaces de prise de recul, en nous accordant un temps de réflexion et de préparation dont nous manquons souvent.

Le groupe WhatsApp a permis l’émulation et l’essaimage de bonnes initiatives. Nous avons lancé des défis pour la journée autisme (1) , des concours photos avec les familles.

Cette période a renforcé l’idée centrale de partir toujours de la demande des familles.

Je pense aussi à de magnifiques initiatives telles que la création de trois chaînes YouTube (2)  pour les enfants et les familles, et au lancement des formations en ligne pour nos professionnels. Une dynamique que nous souhaitons tous maintenir !

 

 

(1) Liens pour les vidéos réalisées pour la journée de l’autisme :

Clip 1: https://www.youtube.com/watch?v=B8qhKGgeDIE

Clip 2 : https://www.youtube.com/watch?v=LeKn4g8irPk&t=2s

(2) Liens pour les chaînes youtube du Pôle autisme Paris :

Sport : https://www.youtube.com/channel/UCdCypOC_jLTpGT-UCIFhjQg/featured

Unité enseignement élémentaire : https://www.youtube.com/channel/UCfDsyiM3iUYGP5EVZ8IpFxQ

Unité mobile SESSAD : https://www.youtube.com/channel/UCccJWkiZNtJMEoFQ8Shgxvg